L’unique route pour mener à la réserve de la Biosphère Sian Ka’an est en fait une zone de tourisme connue sous le nom de Boca Paila. En bord de la mer (jadis turquoise, est-il besoin d’insister encore ?), c’est un joyeux bazar de Resorts de luxe, de bouis-bouis à la décoration hippie assumée, de maisons privées originales, de boutiques de vêtements ou d’artisanat, de cafés, de restaurants branchés, de murs peints.
La Riviera Maya. Ou le petit Saint-Tropez des tropiques. Sur fond de yoga, de temazcal (bain de vapeur) et de pseudo écologie.
Et…
Ah je t’entends d’ici : “Eh ben, elle a bien changé, ma Laya, la voilà qui boude la jungle et les marches tropicales pour s’embourgeoiser, remboursez !” Pas vraiment, tu en jugeras sur les photos matinales. Boca Paila conserve un charme hallucinant, préservé presque.
Le matin, on y croise des sportifs aguerris, parfois on y assiste au tournage d’une “tele novela” (ces feuilletons à la sauce “Feux de l’Amour” dont les Mexicains sont ultra friands), à des photos de mode pour des mariages ultra romantiques, le tout au milieu de vacanciers tatoués et dread-lockés. La décontraction y est de mise, ce qui est le summum du snobisme, peut-être.
Il y a deux ans, j’étais tombée sous le charme de ce lieu résolument “tropical” et lié aux vacances insouciantes. Ici, on s’imagine volontiers, à quinze ans, pédalant comme des fous sur des vélos, cédant aux premiers émois adolescents. L’humour se glisse dans plusieurs détails surréalistes, et même le panneau annonçant les gendarmes couchés (ici appelés “Topes”) a subi quelques modifications érotiques.
Aujourd’hui, avec “l’affaire des sargasses”, le quartier en a pris un coup terrible. Plusieurs établissements sont en vente, fermés, ou officiellement en “rénovation” (comprendre : à la rue en attendant un repreneur). C’est le cas de Las Ranitas, un resto que j’adorais et où l’on dégustait la meilleure soupe de poissons du monde (avec une pierre chauffée au fond du bol pour que la soupe reste chaude, et un petit jus de poisson au citron vert à verser dessus, un pur délice, souvenirs-souvenirs !) Aujourd’hui, ils vendent les meubles. Le vigile m’a dit que c’était pour changer le décor, mais ça sent à plein nez l’endroit abandonné. Donc, amigo investisseur qui souhaite miser sur le retour du turquoise, un de ces quatre, paradis à vendre !
Sinon, en route, on croise ici un paon qui fait la roue, là des iguanes, ou des écureuils, et même un âne. Il y a des maisons aux couleurs folles (ça, c’est pour ceux qui se moquent de ma voiture jaune ! Je n’ai cité personne !), rose vif ou violettes, des peintures excentriques, des reproductions de Chac Mool, des sculptures. Tout cela en plein milieu de la jungle et des cocotiers. Un mélange hétéroclite de styles qui finit par être joli.
Mais y marcher, même de bonne heure, est la garantie de s’y prendre une sacrée suée. Ce matin, après mes 8 premiers kilomètres, j’étais rincée. J’ai alors avisé le Café Banana où je me rendais il y a deux ans. Mon sac à dos et moi avions envie d’un solide petit déjeuner. Toutefois en voyant la carte des prix, nous nous sommes ravisés. 8 euros la moindre coupelle de fruits frais, bouhou. Et 1.50 euros le café expresso, autrement dit des tarifs très européens. Sans compter qu’il faut pleurer pour avoir une carte en espagnol. Ici, par principe, on te parle d’abord en “gringo” et après on daigne se rabattre sur le mexicain. Grrr ! Donc j’opte pour un simple jus de fruit ananas/chaya/gingembre et un café expresso (à l’heure où je démarre le matin, je pars le ventre vide, sans même un café, rien n’est ouvert).
En attendant d’être servie, je repère les personnes présentes (un vieux vice d’écrivain, je crois) pour alimenter ma galerie de personnages secondaires éventuellement. J’aime leur inventer une vie, regarder les couples qui ne se parlent plus et n’échangent que sur le goût des confitures, les amoureux venant de se rencontrer, etc.
Il y a une table au fond, un peu à l’écart, d’une dizaine de personnes, avec un personnage central, de dos. Tout semble tourner autour de sa présence, mais discrètement, sans ostentation. À une table voisine de la leur, un couple, assez beau. Lui a l’air chargé de veiller à ce que tout se passe bien, et elle a l’air d’être la photographe officielle du petit groupe. L’homme du centre, de dos, a une coupe de cheveux qui me fait m’interroger aussitôt. Courts sur le côté, longs dans la nuque. Dès qu’il entend une musique (le fond sonore est épouvantable), il se met à battre la mesure en rythme avec ses doigts. Le type beau à côté fait immédiatement monter le son, et ça s’exécute à la direction du Banana, sans même songer un instant aux autres clients en train de déjeuner.
Là, mon personnage central se retourne, et je me liquéfie (encore davantage de ce que je suis après l’effort, c’est difficile, je sais). Paul McCartney himself. J’envisage de lui adresser mon plus vibrant sourire d’admiratrice, mais je me rappelle à temps que je suis en tenue de sport, transpirante, rougie par l’effort, avec des chaussures de marche très, très bleues aux pieds. Pas sûre que je sois au maximum de ma capacité de séduction. Je baisse donc la tête piteusement.
Dommage que Coba soit resté au restaurant (il est le chouchou du quartier et commence à devenir exigeant en matière de gamelles, le serveur propose que je lui file de la langouste, arghhhh !), il est idéal pour se faire des connaissances. Depuis lui, tout le monde vient me voir en me demandant son histoire, s’ils peuvent le caresser, la mascotte vous dis-je ! Mais pas sûr que Paulo aurait apprécié les léchouilles de Coba le chien de toute façon. N’empêche, ça la pète, je trouve !
Evidemment, ce n’est pas dans quelques jours, en plein coeur de la jungle de Calakmul que je vais faire ce type de rencontre ! Alors hein, tes critiques sur mon embourgeoisement pédestre… C’est justifié, mais ça valait la peine, non ?
Laya Croves
Diaporama 1 – Boca Paila
Diaporama 2 – Boca Paila
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Mademoiselle Laya,
Pouvez-vous indiquer les coordonnées de l’hôtel sur la bord d’océan (celui de la photo) ? J’aimerais y passer quelques jours…
Je ne m’en souviens plus, mais ils sont tous sur le bord de la route de Boca Paila, tu ne peux pas les louper. Maintenant, je vous ai prévenus toutes et tous, ça “coince” sérieusement côté olfactif ! L’hôtel dont tu parles étant un Resort quelconque, situé pile devant une plage où les algues sont nombreuses. Il s’agit peut-être du Mayaland Resort de Tulum, mais je ne suis pas absolument certaine. Bonnes vacances !
Elle est sûre de cette rencontre, la Laya? Elle avait bu quoi au petit déjeuner?