Sur le principe, des régions comme l’Île-de-France, la Nouvelle-Aquitaine et l’Occitanie n’y seraient pas défavorables. Pour les organisations professionnelles du transport routier, il s’agit d’un « non-sens écologique et économique ».
Même si les Gilets Jaunes sont passés par là depuis, tout le monde se souvient encore de la « fronde » bretonne des bonnets rouges, qui en 2014 avait largement contribué à faire échouer le projet d’une écotaxe nationale sur le transport routier de marchandises. Et bien il semble qu’on n’en ait pas tout à fait fini avec cette idée, qui aurait aujourd’hui la faveur d’une partie des députés de la majorité.
Le week-end dernier, les députés de la commission spéciale en charge du projet de loi « climat et résilience » ont ainsi retenu le principe d’une écotaxe pour les poids lourds circulant sur nos routes nationales et départementales. Cette nouvelle « contribution » serait perçue par les régions qui souhaiteraient la mettre en place (elles n’y seront pas forcées). Elle fait l’objet de l’article 32 de ladite loi climat, qui sera débattue à l’Assemblée nationale à partir du 29 mars prochain.
Nos régions plutôt pour…
Même si la Bretagne ne sera sans doute pas de la partie, plusieurs régions y seraient plutôt favorables, à condition de lever certaines interrogations. Ce serait notamment le cas de la Nouvelle-Aquitaine et de l’Occitanie, qui y verraient un moyen de désengorger certaines portions sensibles de leurs réseaux routiers secondaires. On pense par exemple aux points de passage vers l’Espagne (par les côtes basque et catalane ou la vallée d’Aspe) ou aux rocades bordelaise et toulousaine.
En Nouvelle-Aquitaine, on sait qu’Alain Rousset souhaite encourager le report modal vers le rail pour les marchandises transitant par la région sur l’axe nord-sud, mais naturellement sans pénaliser les transporteurs locaux, rappelant que s’applique déjà en France une taxe à l’essieu ou « TSVR » pour les véhicules de plus de 12 tonnes. Si pour certains, l’idéal serait de n’appliquer cette taxe qu’aux poids lourds étrangers ne faisant que transiter par la France, Bruxelles risque fort de s’opposer à un tel système, et ce au nom de la libre concurrence au sein de l’UE. L’autre interrogation touche aux moyens conférés aux régions pour entretenir ces réseaux routiers secondaires, dont la charge pourrait en parallèle leur être transférée.
Le mois dernier, les organisations de transporteurs (FNTR, Otre, Union TLF) avaient déjà fait savoir leur ferme opposition à ce projet de loi climat, dénonçant « un non-sens écologique et économique fatal aux entreprises françaises du secteur ». Elles rejettent l’idée d’une écotaxe routière, mais aussi celle d’une « suppression progressive du mécanisme fiscal sur la taxation du gazole pour les professionnels ».
Les transporteurs vent debout…
D’abord, les 3 fédérations considèrent que ces mesures n’encourageront en rien le report modal : « Alors que la fiscalité du transport routier de marchandises n’a cessé d’augmenter ces 30 dernières années, sa part modale n’a jamais été aussi élevée, passant de 67% en 1985 à 89% aujourd’hui, pour seulement 6% des émissions de CO2. Il n’existe donc pas de corrélation entre la hausse de la fiscalité du secteur et un éventuel report modal vers des modes de fret alternatifs », avancent-elles, ajoutant que même en atteignant nos objectifs en termes de fret ferroviaire et fluvial, la route pèsera toujours 75% du transport de marchandises.
En résumé, pour ces organisations, « le transport propre passera par le camion propre ». Et alors que le camion propre commence justement à rouler, le secteur demande plutôt à être accompagné dans sa transition énergétique.
Autre argument des opposants au projet, la menace qu’il ferait peser sur un secteur économique dont les marges sont déjà limitées : « En 30 ans, l’activité du pavillon français a fortement reculé au profit des pavillons étrangers. Il est passé de 90% de l’activité en 1990 en France à 60% en 2019. C’est bien cela qui est en jeu, la survie de nos entreprises et de leurs près de 650.000 salariés car c’est d’abord et avant tout les entreprises françaises qui vont souffrir des mesures proposées. Et dans 20 ans, il y aura toujours autant de camions sauf qu’ils ne seront plus français ! »
Aujourd’hui, le transport routier représenterait 89% du fret national et quelque 40.000 entreprises en France, dont quelques gros acteurs, mais aussi et surtout de très nombreuses PME aux moyens souvent limités, à l’instar de sociétés comme Barcos, Azpeitia, Mendy, Lataste, Mesplès, Gèze, Dumartin ou Giacomin sur le bassin de l’Adour (la liste n’est pas exhaustive). « L’argument incitatif ne tient pas face à la réalité : la disponibilité industrielle et l’accessibilité économique de véhicules alternatifs ne permettra pas le remplacement de 600.000 véhicules en 10 ans », concluent les 3 organisations.
On le voit : le débat a déjà commencé…