Bon, il ne faudra pas être choqué(e) dans la file d’attente. Oui, il y a beaucoup de vieux. C’est comme ça, il faut bien leur laisser quelques distractions. Oui aussi, il y a beaucoup de profs retraités. On est intello, on l’affiche, c’est comme ça aussi, c’est triste mais ça existe. Ne hurle pas quand, dans la file d’attente de la billetterie, tu vas patienter trois plombes derrière trois mémés qui arborent un renard argenté (mort, of course) sur les épaules. Surtout quand elles vont te doubler en faisant mine de ne pas t’avoir vu. Reste calme, dis-toi qu’avec un peu de chance, elles vont mourir avant toi. C’est méchant, mais ça soulage…

Si l’affiche annonce un nom très connu, genre que ce soir, c’est du W.A. Mozart, pas la peine de t’emballer pour autant, ni de fabriquer à la va-vite une banderole avec écrit “Momo, je t’aime” que tu dégaineras au moment de son tube interplanétaire, la Symphonie n°40 en sol mineur. Pas la peine non plus d’essayer de récupérer le tee-shirt du pianiste (même pas trempé de sueur) ni de réclamer l’archet de la violoncelliste à la fin du concert. Reste discret-crète, conseil d’amie.

Attention à l’applaudissement intempestif qui peut te faire repérer illico. Il est certes légitime d’applaudir à la fin d’un morceau. Sauf… qu’en musique classique, c’est truffé de pièges. Genre, la plus perfide de toutes, la sonate et sa palanquée de mouvements. Si tu applaudis entre chaque, la voisine va te jeter un oeil assassin. Astuce : attendre que ladite voisine applaudisse en premier. Oui même si elle a un renard mort autour du cou, oui ! Et prie pour qu’elle soit calée en musique classique. Discrétion d’abord, prudence ensuite.

Si ce qui te plaît dans un concert, c’est de “headbanguer” ou marquer le tempo, échevelé(e), le bras levé, ou-blie ! Certes, la musique classique est loin d’être le truc chiant que certains prétendent, et il s’agit souvent d’une musique épique (et colegram), fougueuse voire violente. Mais toutefois, cependant, quand même, il est fortement déconseillé de headbanguer. Evidemment, si tu as compris qu’ici ta passion n’est point et que tu ne remettras jamais les pieds à un concert de musique classique, vas-y, pourquoi pas… (mais alors filme, et envoie-nous ça, on ne voudrait pas louper ce grand moment).

Dans le même genre, on n’est pas au concert de U2, alors sois gentil-le, évite de taper dans les mains ou de chanter les paroles (plus rare). Regarde autour de toi, ça ressemble vraiment au Stade de France ? Nan. On n’est pas chez les nazes ici. Tu sifflotes dans les enterrements ? Nan ? Ben ici, c’est tout pareil. Ça ne se fait toujours pas. C’est triste, rageant, trop injuste (mais oui, Caliméro) mais c’est comme ça…

Il est possible qu’au début du concert, un musicien présente rapidement les morceaux qu’il envisage de jouer. Évite de manifester un trop fervent empressement. Quand il va annoncer “L’Allegro energico e passionato de la Symphonie n°4 en mi mineur opus 98 de Brahms”, évite de hurler : “Yo, trop cool, c’est mon morceau préféré, j’adoreeeeeeeeeeeeeee, surtout la fin !” Un modeste “ahhhh” entendu, murmuré juste assez fort pour que la voisine au goupil mort l’entende, ça va la calmer, la mémé !

Autre chose. Les musiciens, contrairement à une fausse réputation, se permettent souvent de bons mots. Tu ne les comprends probablement pas, mais tant pis, rie ! Doucement, mais rie quand même… “Et là, sa femme lui dit : Termine plutôt ton concerto brandebourgeois, et pas en si mineur !” Ah ah ah, qu’il est drôle, bon sang, elle est très bonne, celle-là ! Tu trouves pas, la taxidermiste ambulante ? Hey, j’ai pas dit en ambulance… Mais ça viendra, gnac gnac gnac…

Sois prévoyant-e, mange avant le concert, primo parce qu’il est interdit de baffrer son Kebab ou son Grec pendant une Cantate (ouais, c’est nul !), mais surtout qu’à certains changements de rythme ou d’intensité, il serait malheureux que ton ventre lance sa Suite pour Estomac et Intestins Vides…

Enfin, même si c’est hyper long, que tu t’emmerdes comme pas permis, et que tu crois enfin le calvaire terminé parce que tout le monde applaudit et que les musiciens sortent, hop, hop, hop, rassied-toi illico, c’est pas fini DU TOUT. Va y avoir au moins trois rappels qui vont durer une plombe (chacun).

Garde le meilleur pour la fin. Quand ce sera fini, fini, fini, sûr et certain, retourne-toi vers la voisine au renard crevé, et au lieu de lui serrer le kiki avec, dis simplement dans un sourire : “J’ai particulièrement apprécié cette interprétation très personnelle, quoique peut-être un peu trop familière sur les deux derniers mouvements, non ?”

Voilà, t’es prêt-e. Tu vas voir, ça va être S-U-P-E-R !

Enfin bon, moi je dis ça, je dis rien…

Gracianne Hastoy