INDEX

Billet d'humeur

Le 20 Jan. 2014

Je buzze, tu buzzes, il buzze, nous buzzons…

2014 a démarré sur les chapeaux de roue médiatiques. Le Dieu des journalistes s’est montré un rédacteur-en-chef efficace, clément, et parfaitement organisé : début janvier, l’accident de ski de Schumacher : émotion, angoisse, inquiétude, attente. Quelques jours à peine plus tard : Dieudonné et l’interdiction de son spectacle : autorité, bras de fer avec Manuel Valls, débat de société sur la liberté d’expression, racisme et antisémitisme. Une semaine après : le président Hollande et sa relation avec l’actrice Julie Gayet : débat sur vie publique/vie privée, révélations croustillantes, émotion, voyeurisme, médias et obligation de réserve, on en passe et des pires.

Si Jean-François Revel assurait que « la rumeur est le plus vieux média du monde », il est aujourd’hui au coeur d’une réalité désastreuse : la rumeur fait l’information. La médisance EST l’information. En sage prophétique, le Dalai Lama avait raison d’affirmer qu’ « aucun journaliste ne sait plus ce qu’est une bonne nouvelle ». Encore que cette dernière assertion soit aujourd’hui sujette à caution : un journaliste est-il encore intéressé par une bonne nouvelle ? Que sont nos médias devenus, ma bonne dame ? Des colporteurs de sensationnel, des camelots du voyeurisme, des marchands de scandale, des faiseurs de « buzz » (À quand un journal du nom du personnage hautement inspiré de Walt-Disney : « Buzz l’Eclair », l’information qui tire plus vite que son ombre » ?).
Surtout des amnésiques qui ont oublié que leur métier consistait à transmettre de l’information, pas des opinions, pas des dépravations. Et sinon, comment va Michaël Schumacher ? Qui est capable, à quelques semaines de son accident, de donner de ses nouvelles ? Les journalistes qui faisaient le pied de grue devant son hôpital grenoblois ont tous filé vers la Pitié-Salpétrière, comptabiliser les visites reçues – ou pas – par Valérie Trierweiler. Il y a des choses importantes, tout de même ! Des scoops incontournables. Des informations pri-mor-dia-les. La vraie question du moment, c’est de savoir si « oui ou non, la Gayet a un polichinelle présidentiel dans le tiroir » depuis quatre mois !

Le public peut bien faire mine de protester, de s’insurger contre cette presse au rabais, il est tout aussi rapide à se jeter sur les tabloïds et à ricaner autour de la machine à café, sur les frasques de notre président normal, people comme les autres, et sexy en diable alors qu’on l’imaginait « Flanby » jusqu’au bout de la nuit et du scooter. Les réseaux sociaux explosent sous les blagues potaches, les photos affligeantes, et tous ces blogueurs qui se prennent pour de grands reporters refont l’info à leur façon, se fichant pas mal du droit à la vie privée et de ces hautes considérations philosophiques qui n’intéressent personne. Car il ne faut pas se mentir : le scandale passionne et fait vendre. C’est bassement humain. Et Jean Dion, journaliste sportif québécois, l’avait parfaitement résumé quand il disait : « Les gens reprochent souvent aux médias de ne pas rapporter de bonnes nouvelles, oubliant commodément que plus on carbure à la catastrophe, plus on vend ».

Oui, les médias ne sont que le reflet de ce que nous sommes et de ce que nous voulons. Si nous nous comportons comme des sots, ils diffuseront des sottises. Mais si demain, nous nous comportons comme des héros, ils seront contraints de revoir leur copie. Alors, refusons les vicissitudes et vils instincts, faisons en sorte de créer une presse qui soit le reflet du meilleur de ce que nous sommes : une presse créative, inventive et audacieuse ; une presse constructive, authentique et sincère. Cap’s ou pas cap’s ? Chiche !

PL oGHnov13

 

 

 

Gracianne Hastoy

6 commentaires au sujet de cet article

  1. Banco ma chère rédactrice. Hélas, le système fonctionne en boucle fermée. Les médias sont le reflet de ce que nous sommes et de ce que nous voulons. Nous nous nourrissons donc par les médias de nos propres médiocrités. Nous en redemandons et on nous en ressert! Comment sortir de cette boucle infernale? Comme on tente de se sortir d’une addiction. Par une cure qui commencerait par une privation. On pourrait ensuite revenir peu à peu gouter au plat médiatique, mais alors par un autre menu. Oui mais lequel? Qui nous le servirait? Pour quel autre profit? Avec le risque de quelle autre addiction destructrice?
    Pas facile d’en sortir, certes, mais il peut être passionnant et probablement intellectuellement vital de tenter de le faire. Cordialement. YB

  2. Bien apprécié ce billet d’humeur.
    Au delà du vendre d’abord, ne peut-on s’interroger sur la facilité à faire du buzz plutôt que de traiter de sujets plus complexes qui demandent un peu plus de travail?

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *