Bois, métaux, PVC, composants électroniques, fret : les niveaux de demande sont tels que les prix de nombreux matériaux, produits et services de base ont récemment connu des hausses inédites. Faute de pouvoir s’approvisionner, de nombreuses entreprises sont obligées de réduire leurs cadences.
L’économie, pour complexe qu’elle soit, n’en reste pas moins une histoire d’offre et de demande. L’an dernier, avec la crise du coronavirus, c’est d’abord l’offre qui a été touchée, par la mise à l’arrêt de certains pans d’activité aussi bien que, pour les entreprises qui ont continué de tourner, par d’importants problèmes d’approvisionnement, eux-mêmes consécutifs aux ralentissements d’activité des fournisseurs, qu’ils soient localisés chez nous ou à l’étranger.
Désormais, c’est plutôt du côté de la demande que se tournent les analyses. Les économies de la Chine et des États-Unis se sont très vite relancées. Trop vite ? C’est possible. Résultat : une explosion de la demande de matières premières dans ces pays, explosion que l’offre ne peut suivre, occasionnant de spectaculaires hausses de prix.
En quelques mois, les cours de métaux comme l’aluminium, le cuivre ou l’acier ont progressé de 50% et plus. Même chose pour le bois ou encore des matériaux comme le PVC. Un phénomène dont l’impact se ressent déjà au quotidien en aval des filières et jusqu’aux consommateurs finaux.
Olivier Salleron, président de la FFB (Fédération Française du Bâtiment), indiquait début septembre que la filière de la construction était encore confrontée à des hausses moyennes de prix des matériaux allant de 5 à 15%. Après les hausses de 30 à 50% du printemps, on espérait donc dans la profession se rapprocher d’un « plateau ». D’après le dirigeant, 15% des entrepreneurs du secteur ont quand même dû interrompre des chantiers, contre moins de 5% d’habitude. Les prix du bois seraient désormais deux à 3 fois plus élevés qu’en décembre dernier.
Le coût du fret au plus haut…
Ce phénomène de hausse des prix, par ricochet ou non, touche également les produits finis et semi-finis : on aura sans doute entendu parler de la crise qui secoue le marché des composants électroniques, sur fond de nouvelles tensions géopolitiques entre la Chine et Taïwan, pays où seraient aujourd’hui fabriqués plus de 20% des semi-conducteurs écoulés sur la planète.
Les répercussions sont mondiales et nous touchent de près. La rentrée a ainsi été marquée par un recours au chômage partiel sur les sites-clés de Stellantis (ex-PSA) en France ou encore chez Toyota près de Valenciennes. Naturellement, les autres secteurs consommateurs de composants sont aussi touchés, à l’exemple des filières des télécommunications ou du matériel informatique.
Et la facture n’augmente pas qu’à cause des prix des matières et produits : les coûts d’acheminement sont également en pleine explosion. En seulement un an, le prix du fret par conteneur s’est envolé. Mi-2020, l’expédition d’un conteneur de Shanghai vers Rotterdam coûtait 2.000 dollars. En juillet dernier, c’était près de 13.000… Des tarifs qui, au passage, favorisent le retour de conteneurs à vide : pas vraiment écologique…
Cette situation est telle que du côté des gouvernements, on essaie de réagir, tout en scrutant de près les chiffres de l’inflation. Selon les données françaises (provisoires) de l’Insee, les prix à la consommation auraient grimpé de près de 2% en août. Dans la zone euro, l’inflation viendrait de connaître son plus haut niveau depuis dix ans. Plus largement, les pays de l’OCDE auraient enregistré une inflation de plus de 4% en juillet.
Les chiffres sont certes élevés et méritent une surveillance accrue, mais l’inflation paraît encore contenue. Car il faut tout de même rappeler que les niveaux de croissance attendus s’accompagnent la plupart du temps de ce genre de hausses de prix. L’Insee continue ainsi de tabler sur une croissance française de 6% en 2021. Un niveau pas connu depuis longtemps, même si nous repartons d’un peu plus loin…
Retour à la normale en 2023 ?
Mais naturellement, les conditions actuelles font que le sujet des relocalisations et de notre souveraineté économique, déjà d’actualité, revient plus que jamais sur le tapis. Pour le bois, par exemple, le maintien d’activités de transformation en France nous aurait sans doute permis de garder la main, alors que nos forêts suffiraient à couvrir 60 à 70% de nos besoins.
On sait déjà que le gouvernement, à travers France Relance, a initié plusieurs plans d’actions dans ce but de relocaliser, plans destinés aux secteurs de la santé, des télécoms, de l’agroalimentaire, de l’électronique et de la chimie. Plus de 300 projets d’entreprises sont soutenus, pour un total de près de 540 millions d’euros, soit environ un quart des investissements projetés par les sociétés retenues.
L’Europe semble aussi vouloir embrayer sur le sujet, avec par exemple la volonté de relocaliser une partie de la production de composants électroniques. Le vieux continent assure actuellement 10% de la production mondiale. L’UE souhaiterait voir passer cette part à 20% d’ici 10 ans.
On ajoutera qu’outre le covid, d’autres facteurs jouent dans les phénomènes de hausses de prix actuellement observés, à l’image des aléas climatiques récents pour la production agroalimentaire. Ici, il est moins question d’explosion de la demande que d’aléas touchant l’offre, même si parler de grande pénurie paraît encore de l’ordre de la dramatisation. Mais avec le médicament et nos industries de santé, la filière agroalimentaire est sans la plus sujette aux interrogations sur la réduction de notre dépendance aux fournisseurs étrangers.
Plus globalement, on se souvient qu’en 2020, le déficit commercial s’est dégradé de 8 milliards d’euros, franchissant de nouveau le cap des 65 milliards et se rapprochant ainsi du précédent creux de 2012.
Pour en revenir aux hausses de prix, enfin, la situation pourrait se normaliser dans les mois qui viennent, mais ceux-ci ne reviendront sans doute pas à un niveau plus raisonnable aussi vite qu’ils ont grimpé. Certains spécialistes avancent qu’un retour à la normale ne surviendra pas avant 2023.
Qui vivra verra, comme dirait l’autre…