D’Izamal la jaune, l’ocre, il y aurait beaucoup à dire. Ses couleurs ; son ancienne puissance chez les Mayas (elle était alors dédiée à Izamná, et s’appelait ainsi.
C’est là qu’on ordonnait les seigneurs des cités mayas du Yucatán auprès du Kinch Kak Mo, dieu du soleil) ; sa statue imposante de Fray Diego de Landa, un prêtre de l’Espagne de la conquête, dont on utilise encore le “Récit” aujourd’hui pour savoir comment vivaient les Mayas de l’époque, mais qui fut pour beaucoup dans la destruction des fameux codex, et écrits mayas ; son église monumentale, faite avec les pierres détruites des pyramides, no comment, no comment, j’ai promis de ne plus râler… (mais si tu insistes, je peux faire, je suis extrêmement douée pour cela)…
Et…
Je pourrais aussi te dire que malgré sa beauté insolente, ses charmes indéniables (mais non, je ne parle pas de toi !), Izamal est une ville que je n’apprécie guère. Est-ce son ambivalence de cité maya toujours conquise, toujours vassale (de Mayapán, de Chichén Itzá) qui fait s’en dégager cette ambiance un peu pesante ?
Sans aller jusque-là, je garde le souvenir d’un flic corrompu, il y a deux ans, qui se faisait payer pour te garer sans mettre de PV, qui te dirigeait sur tel restaurant pour avoir sa “commission”, bref, je n’avais pas aimé. À quoi ça tient parfois ?
Le reste des personnages rencontrés dans la ville, en revanche démentait cette vilaine sensation. Pedro, serveur du Kinich, les “dueños” de l’auberge Santo Domingo… Mais surtout Estebán ! C’est expressément pour lui que je reviens aujourd’hui et que j’abandonne, une journée, mes chaussures très, très bleues (en même temps, ce n’est pas dans la jungle où je marche que je vais rencontrer grand-monde ! Et à Kalakmul, il y aura vraiment beaucoup de jungle, hum).
Mais revenons à Izamal et à son roi. Un personnage haut en couleur, qui bénéficie d’une solide réputation, locale, nationale, voire internationale puisque même Canal+ lui avait consacré un reportage, il y a quelques années. Ce roi, c’est donc le fameux Estebán. Je ne résiste pas au bonheur de retourner lui faire un coucou, sa chaleur, son espièglerie m’enchantent au plus haut point. Son talent aussi.
En fait, Estebán est le roi d’une matière étrange, le coyol (en nahuatl) ou cocoyol, la graine d’un palmier. Là où d’autres en font des savons, ou des infusions soignant le diabète (dans la province de Quintana Roo), ou permettant de traiter les vers intestinaux (Oaxaca), lui se dédie à un art méticuleux : en faire des bijoux. Et quels bijoux ! D’une finesse et d’un raffinement rares. Si un jour, un créateur de mode s’entiche de ses modèles, j’annonce succès ! Surtout pour qui aime les matières nobles. Or, le cocoyol en est une. Il lui faut des années pour être exploitable, attendre que l’arbre soit grand, que le fruit soit formé et séché, en tout une douzaine d’années. Pour une matière pas si répandue et difficile à produire “en masse”. Rare, te dis-je.
L’écharpe de cocoyol est un vrai joyau. Elle pare superbement le cou des femmes. Les autres parures, simples colliers ou bracelets sont également magnifiques.
Estebán parle avec passion de son métier, ouvre toutes les portes de son atelier, mais si tu sais t’y prendre, il te fera un autre cadeau, pas des moindres : il chante en maya.
Je devrais plutôt dire : il joue en maya, il mime en maya, car sa façon de chanter est assurément un art oratoire, une emphase, une scène de théâtre, un spectacle.
Lorsque tu le rencontres pour la première fois et que tu lui parles de son “art” ou “artisanat”, il t’interroge aussitôt :
– Ta voiture, elle est grande ?
– Bof, pas vraiment…
– Je vais te faire un cadeau dont tu me diras des nouvelles…
– Ah ? (sourire lumineux, joie, imagination en goguette : un bracelet, un collier ?)
– Oui, une patte de cheval… Elle rentrera dans la voiture, pas de souci…
– Ah ! (interloquée, plus de sourire du tout, une moue un peu dégoûtée, et à nouveau l’imagination fertile qui imagine le retour, avec le cadavre d’un cheval à l’arrière)
– Faisons un pari, je t’offre une patte de cheval, et je parie que tu vas l’aimer et vouloir la rapporter chez toi…
Je ne dis plus rien, tétanisée d’un effroi anticipé, il saisit une épine de cocoyol et la passe sur sa meuleuse. En quelques secondes, il dessine une patte de cheval dans l’épine, minuscule, fine, avec un mouvement parfait du sabot. Il me la tend et éclate de rire devant ma stupéfaction :
– Je te l’avais bien dit que celle-là de patte de cheval, tu la voudrais…
Voilà, est ici résumé tout le personnage d’Estebán, facétieux, exubérant, passionné, doué. Il en viendrait presque à me faire aimer Izamal d’y habiter. En tout cas, il valait le déplacement.
Laya Croves
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Coucou Laya,
Je me régale de jour en jour, tes photos sont magnifiques et tes écrits me transportent de l’autre côté de l’océan dans ce merveilleux pays. J’imagine très bien ces bijoux portaient par une certaine Femme……comme tu l’as peut être deviné, la Femme de ma vie !
A demain pour de nouvelles aventures, et qui sait, peut être un jour j’aurais le plaisir et l’honneur de te rencontrer. :))
Bises.
Quel gentil message, ça fait du bien ! Je te souhaite de tout coeur de pouvoir parer ainsi la femme de ta vie ! Et aussi que nous aurons l’occasion de nous rencontrer à mon prochain passage en France. MERCI encore…