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A DÉCOUVRIR – Max-Roger Guéguen, peintre héraldiste

Le 17 Mar. 2021

Enluminure, calligraphie, peinture d’armoiries : à Boucau, il est l’un des tout derniers artisans d’art de France à cumuler tous ces savoir-faire hérités du Moyen-Âge…

Son atelier travaille pour des institutions prestigieuses comme la Mairie de Paris, mais aussi pour des graveurs et des particuliers, collectionneurs, érudits locaux, généalogistes amateurs ou descendants de l’ancienne aristocratie… Rencontre.


Né à Brest et issu d’une famille du pays de Cornouaille, Max-Roger Guéguen, 70 ans, est un artisan d’art comme on n’en fait plus. Jusqu’en 2000, il tenait à Paris une galerie rassemblant une centaine de ses homologues graveurs, laqueurs, céramistes, etc. Après cela, il migra à Saint-Jean-de-Luz pour tenter d’y implanter le même genre d’affaire, mais créa finalement son atelier à Bayonne afin de se concentrer sur son propre travail. Il est installé à Boucau depuis 7 ans.

Certes, l’Hexagone compte encore quelques dizaines d’enlumineurs professionnels et d’assez nombreux héraldistes, calligraphes et autres aquarellistes. Mais Max-Roger Guéguen, lui, est un peu tout cela à la fois. Qu’est-ce que l’enluminure ? C’est l’art ancestral de la décoration des livres et des manuscrits au moyen de bordures, de lettrines ou de miniatures diverses. Quant à l’héraldique, c’est la science du blason, avec son vocabulaire, ses couleurs et ses motifs si particuliers.

Le fait de pouvoir combiner ces différents savoir-faire nés au Moyen-Âge n’a rien d’anodin. Lorsqu’on lui a rendu visite, Max-Roger Guéguen travaillait par exemple à son 113ème parchemin pour la Mairie de Paris, institution pour laquelle il œuvre… depuis 1987. La création de ce genre de document, le plus souvent commandé en amont de visites officielles et réalisé en lien avec un responsable du protocole, fait en effet appel à toutes ces compétences, car les parchemins sont à la fois calligraphiés, bordés de motifs et surmontés d’armoiries peintes avec une grande minutie.


L’héraldique, science quasi-millénaire…

Cette fois-ci, le parchemin qu’il compose sera présenté aux signataires lors de la réception à Paris du président de la République d’Italie, ce mardi 6 octobre. Rois du Maroc, des Belges ou du Cambodge, reine d’Angleterre et prince de Galles, Dalaï-lama, présidents polonais, russe, coréen, malien, arménien : on ne compte plus les chefs d’État qui ont eu entre leurs mains un parchemin composé par le méticuleux artisan. Même Emmanuel Macron, dans la foulée de son élection, en avait signé un lors de sa réception par Anne Hidalgo, le 14 mai 2017. Outre ces visites diplomatiques, les parchemins peuvent également servir à sceller des pactes d’amitié ou de jumelage, faire office de diplômes ou témoigner d’un événement particulier, comme un anniversaire.

La production des blasons ornant l’en-tête de ces magnifiques parchemins est un véritable travail d’orfèvre. « Je travaille avec de la feuille d’or ou de palladium, pour la couleur argent, ainsi qu’avec des pigments naturels ou à l’aquarelle », explique sobrement Max-Roger Guéguen, pour qui l’héraldique demeure encore aujourd’hui au cœur de son activité. Une passion née d’une rencontre avec le graveur héraldiste Gérard Desquand, meilleur ouvrier de France et ex-président de l’Institut National des Métiers d’Art, puis sanctionnée par une formation au sein de la maison Saint-Gill, aujourd’hui disparue.


Là-dessus, on ne peut pas ne pas évoquer le plus gros chantier actuel de cet artisan pas comme les autres. Un collectionneur privé lui a confié les 9 volumes d’une vieille édition (1726-1733) de la célèbre « Histoire généalogique et chronologique de la Maison Royale de France » du père Anselme de Sainte-Marie, avec l’idée un peu folle de lui faire mettre en couleur les quelque 3.500 écus qu’ils contiennent.

Aidé de Sylvie Lacroix, qui l’assiste dans ce titanesque chantier entamé en 2017, Max-Roger Guéguen espère en voir le bout dans le courant de l’année prochaine. Il en résultera un exemplaire d’autant plus unique de cette « bible » des généalogistes que ses volumes sont tout droit sortis de la bibliothèque… de l’illustre famille Colbert.


Des chantiers très variés…

Au-delà, l’homme ne tarit pas d’anecdotes savoureuses et d’exemples de réalisations extrêmement variées. Il peut reproduire les saisissants chevaliers de vieux armoriaux comme celui de la Toison d’Or ou d’anciens titres comme des lettres d’anoblissement, à l’exemple de celle de la maison corse des Colonna de Leca par Louis XV : « Nous avons même pu, avec un moulage, apposer le sceau royal au document », précise Max-Roger Guéguen, qui produit aussi des blasons destinés à figurer dans des monographies publiées par des historiens locaux, réalise à la demande de magnifiques arbres généalogiques ou encore crée des ex-libris pour les bibliophiles. Tout cela en s’apprêtant à livrer à la princesse de Habsbourg-Lorraine une très belle aquarelle représentant le château de Karlstejn, en Bohême.


Ce métier hors normes, en effet, amène Max-Roger Guéguen à côtoyer les vestiges (toujours vivaces !) de notre ancienne aristocratie d’Ancien Régime, même s’il aime à rappeler que « tout le monde peut porter des armoiries, pourvu que celles-ci respectent les règles ».

Ainsi, ses clients vont de la princesse von Bismarck au marquis de Musset, descendant de notre célèbre écrivain et poète. Dernièrement, notre héraldiste a même produit un acte en vue d’une cérémonie de transmission de titres de noblesse, témoignage intéressant de la continuité actuelle de pratiques anciennes. « C’était la première fois que je faisais ça. De manière générale, c’est un métier extrêmement varié. On ne fait pas la même chose d’un jour à l’autre », explique-t-il.


Au surplus des institutions et des particuliers, Max-Roger Guéguen travaille avec plusieurs graveurs spécialisés, parmi lesquels on citera les maisons parisiennes Benneton et Armorial, ainsi que l’atelier-galerie d’Éric Darenne à Bordeaux. Tous exposent et vendent certaines de ses réalisations. En ce moment, sont assez prisés ses galets peints ou armoriés, ainsi que ses écus bombés. Il propose aussi des initiations et des cours à son atelier. Et avec tout cela, l’artisan a encore le projet d’évoluer vers un art plus contemporain avec un atelier de laque…

On l’aura compris : ce monsieur-là est précieux… Et ne craint pas de nous laisser le choix des armes !

Plus d’informations sur le site internet, cliquez ici

 

3 commentaires au sujet de cet article

  1. Quelle belle idée de ramener à la lumière ces métiers d’art méconnus et pourtant si précieux pour notre culture! Un article passionnant et très vivant qui sait mettre en valeur le savoir faire de l’artiste et ravive nos traditions. bravo!

  2. Bravo pour ce magnifique article que je viens de découvrir. Pourvu que de jeunes artisans/artistes de qualité prennent le relais afin de maintenir la pérennité de ce métier passionnant !

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