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Les dits du vendredi

Le 08 Juin. 2017

La caverne d’Ali Babook… de Christian Laborde

Toulouse. Je marche rue du Taur, du taureau qui fonçait, tête baissée, en trainant derrière lui  le corps supplicié de Saint Sernin, premier évêque de Toulouse…


Rue du Taur, je m’arrête devant la vitrine de la librairie La Bible d’Or. Fermée depuis des années, elle est, semble-t-il,  de nouveau ouverte. La Bible d’or fut pour moi, quand j’étais étudiant, la caverne d’Ali babook. Elle était tenue par un homme de petite taille, avec une tête en forme de ballon de rugby : Georges Ousset. Je m’étais pointé dans sa boutique, la première fois, en 1974, pour acheter « Le dictionnaire du Béarnais et du gascon moderne » de Simin Palay, ouvrage qui venait de paraître aux Editions du CNRS.

Lorsque je lui demandai le Palay, monsieur Ousset , devinant que j’étais étudiant et donc sans trop de blé, s’était empressé de me prévenir, de sa voix chuchotante : le Palay n’était pas donné. Je lui avais répondu aussitôt : « Je suis gascon, monsieur ! ». Son visage s’illumine, il lève les bras, s’exclame : « Enfin un Gascon conquérant ! ».

Il  veut savoir d’où je viens. Il est, lui, originaire de Luchon. Je lui parle de Tarbes, de Gautier, du Tourmalet, de la première ligne du Stado… Je devins très vite un habitué de cette librairie dans laquelle monsieur Ousset faisait un véritable  show.

A ceux qui  lui demandaient le dernier livre d’un auteur à la mode ou qu’il n’aimait pas, il  répondait qu’il ne l’avait pas et qu’il ne le commanderait pas. Il leur indiquait l’adresse de la librairie Castella, place du Capitole, où ils le trouveraient sans difficulté, Castella vendant tout et n’importe quoi…

La Bible d’or, tout en longueur et gorgée d’ombre, comptait deux étages. Au rez-de-chaussée, les romans, et les essais, avec, en évidence, Julien Gracq et Ernst Jünger. L’étage, auquel on accédait par un escalier en colimaçon dont une dame au look suranné, assise à une table étroite, semblait garder l’accès, était le royaume de la poésie. Je gravissais régulièrement les marches de cet escalier.


Bernard Manciet et Bernard Lubat en 2004

Et c’est à l’étage, chez Ousset,  que je découvris la poésie de Guillevic, celle de Ponge, celle de Philippe Jacottet, et celle, en gascon, luxuriante, tellurique, de Bernard Manciet. Manciet auquel j’adressai mes premiers textes.

Manciet m’avait répondu : « Il y a dans vos poèmes un enthousiasme qui m’enthousiasme. Venez me voir ! » Il m’avait  reçu, chez lui, à Trensacq. Bernard Manciet est mort le 2 juin 2005, à l’hôpital Lesbazeilles de Mont-de-Marsan. Il fut inhumé à Trensacq, à même le sable, selon ses dernières volontés.

Christian Laborde

www.christianlaborde.com

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