PresseLib’ a décidé d’ouvrir une rubrique régulière, en partenariat avec l’AaDT 64 et la CCI Pau Béarn. Une occasion de découvrir des Béarnais qui sont d’excellents ambassadeurs de leur Béarn. Rencontre avec Yves Camdeborde…
Franchement, est-ce la peine de vous présenter Yves Camdeborde ? Et bien oui. Car, ce chef pétillant d’idées a toujours su déguster ses succès sans prendre pour autant le melon, sous sa toque. Il a répondu à nos questions avec simplicité, enthousiasme et beaucoup d’humilité.
Né à Pau en 1964. Belle année ?
Yves Camdeborde – Et comment ! C’est l’année du dernier titre de champion de France remporté par la Section Paloise. Le rugby a une part très importante dans ma vie. Essentielle même. J’ai joué tout jeune, jusqu’en cadet, et les copains d’ovalie sont toujours très présents à chaque étape de mon parcours. J’ai l’ovalie dans les tripes.
La famille aussi…
Y. C. – Mes parents sont revenus de Paris dans les années 1950 pour créer la boutique qui depuis a fait un sacré chemin. Une partie des produits venait de la ferme de mon père à Lescar, le long de la route de Bayonne. Avec mes deux frères nous sommes restés très complices. Jean-Marc, l’aîné, c’est l’intellectuel de la famille. Il est médecin à Pau. Philippe, le second, a repris le flambeau du métier maison, charcutier-traiteur.
Très vite dans le bain ?
Y. C. – 14 ans. Après la 3e, je suis devenu apprenti cuisinier en étant accueilli dans l’une des belles tables de Pau de l’époque. Une formation en alternance : 4 jours par semaine au restaurant « Les Pyrénées », place Royale, chez Mme et M. Bouchet ; le lundi au lycée hôtelier de Morlaàs. Vocation affirmée…
Direction Paris…
Y. C. – A regret. C’est mon père qui a insisté pour que j’aille à la capitale, “là où le plus de choses se passent”. Je ne voulais pas. Je préférais rester à Pau et continuer à jouer au rugby avec les copains. Bon, je l’ai écouté, tout en me disant que je serai de retour dans un an. C’était en 1983, j’y suis toujours 35 ans après.
Des regrets ?
Y. C. – Oui et non. Tout ce qui m’est arrivé depuis est extraordinaire. Pourtant, au fond de moi, il y a toujours une petite frustration de ne pas avoir agi sur mon sol natal comme ont pu le faire les Troisgros, par exemple.
Premières expériences ?
Y. C. – D’abord à l’Hôtel Ritz place Vendôme, puis à La Marée, à la Tour d’Argent, et au Crillon. Là, pendant 6 ans, j’ai eu la chance d’être formé par Christian Constant, un chef très talentueux, parmi les plus grands.
Et la magie de La Régalade…
Y. C. – Oui, magique. En 1992, j’ai voulu m’installer. J’ai choisi un quartier calme, dans le 14e arrondissement. J’ai été blacklisté par tous les spécialistes et critiques gastronomiques, par les guides… ils n’y croyaient pas. Et pourtant la terre entière s’est précipitée à La Régalade : Mitterrand, Hallyday, Spilberg, Zidane, Ben Harper… Le restaurant était plein un an à l’avance. Le téléphone sonnait non-stop. On le débranchait même parfois.
Pourquoi cette folie ?
Y. C. – D’abord, de bons produits. Dans la profession, c’était chose rare et recherchée. Pour moi, c’était simplement normal et j’ai mesuré ma chance d’avoir toujours mangé des produits « bons », venus de la ferme. La normalité peut ainsi devenir extraordinaire, alors que c’est normal. Après, c’est le bon sens paysans et l’ambiance qui ont fait le reste : qualité, esprit d’ouverture, partage, convivialité, jovialité, et mixité sociale.
C’est-à-dire ?
Y. C. – Tout le monde avait accès à La Régalade, avec des prix accessibles. Nous avions des salles délirantes avec des personnes de tous bords, de toutes conditions. Sans jamais tomber dans l’ambiance 3e mi-temps du rugby. Beaucoup de respect, tout le monde se sentait à l’aise et en profitait au maximum. Que du bonheur !
Le Béarn sur la table ?
Y. C. – Parfaitement. 90% des produits portaient la signature du Béarn. Certains venaient de la ferme paternelle ou de la charcuterie familiale, d’autres de différents producteurs du territoire. Chaque semaine, je faisais venir du Béarn une demi tonne de marchandises. Ce lien fort avec les producteurs béarnais était très gratifiant pour moi. Il compensait un peu le regret d’être parti à Paris.
Pourquoi avoir mis fin à cette aventure exceptionnelle ?
Y. C. – Peut-être la trouille de faire le match de trop après 14 ans de folie. On travaillait énormément. Je ne voulais pas risquer de perdre la foi et devenir moins performant. Une fois la décision prise, la vente s’est faite en 3 jours. Un mois et demi plus tard, j’étais parti.
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Décompression ?
Y. C. – Plutôt une bouffée d’oxygène. Cela m’a permis de prendre du recul pendant 6 mois pour réfléchir à l’avenir, à de nouveaux projets. Cela s’est concrétisé par la reprise de l’Hôtel Relais Saint-Germain près de l’Odéon, au cœur du quartier latin. Cela a été compliqué au départ. Nous avons monté un petit groupe d’amis pour racheter l’établissement en 2004.
Une Régalade bis ?
Y. C. – Surtout pas. Pas question de réchauffer ce plat. Bien entendu, j’ai gardé l’approvisionnement en produits béarnais de qualité. Mais nous avons évolué vers un concept de brasserie, avec du choix. Avec la possibilité de manger une simple salade ou un hachis parmentier sans se sentir gêné, ou de déguster un plat très élaboré. Ceci dit, tout produit est réfléchi, pensé, travaillé. Le Comptoir du Relais Saint Germain a vite trouvé sa place, avec les files d’attente qui se sont allongées.
D’où la naissance des « avant Comptoir » ?
Y. C. – En effet. Un local s’est libéré à côté et nous en avons fait un bar d’attente, un « bar hors-d’œuvre ». On distribuait un bouchon en attendant qu’une table se libère. Mais nous avons été vite submergé par une clientèle qui appréciait la philosophie maison. Aujourd’hui, nous avons un « Avant-Comptoir de la terre », un « Avant-Comptoir de la mer » et un « Avant-Comptoir du marché ». Le tout avec des prix accessibles au plus grand nombre.
Ambiance bistro…
Y. C. – Ce qui est génial, c’est d’avoir réussi à refaire des lieux qui ressemblent au vrai bistro d’autrefois. Des gens très variés se côtoient, discutent. Des personnes de tous les pays : pas de codes, de très bons moments. Je l’avoue, ce sont des établissements très agréables à vivre.
Vous êtes devenu hôtelier.
Y. C. – Nous employons 70 personnes avec la restauration et l’hôtel 4 étoiles, Le Relais Saint Germain. Nous l’avons laissé dans son jus : une maison de charme en plein Paris. On a gardé les vielles pierres de taille, les poutres d’époque, les parquets… la modernité se marie parfaitement avec le classique. C’est un établissement qui propose 22 chambres avec des dimensions intéressantes. La plus petite chambre fait 28 m2. C’est aussi un plus pour le restaurant. On passe plus de temps avec les clients, dans une ambiance auberge et dans un esprit très convivial et familial. Cette clientèle ajoute une atmosphère très particulière à l’ensemble.
Vous avez gardé des parts dans des établissements de la région ?
Y. C. – Oui. A Saint-Jean de Luz, j’ai investi avec Ramuntxo Courdé qui a repris trois établissements sur la place Louis-XIV. De même, avec Frédéric Torossian et Christophe Humbert, au niveau de l’Aragon à Pau et maintenant de la Taverne. Mais c’est un simple accompagnement, c’est eux qui sont aux manettes. J’ai investi dans ces derniers établissements en compagnie de Marc Tournier, un ami de longue date, depuis que nous avons joué ensemble au rugby.
Moins de TV ?
Y. C. – Moins et différemment. Je continue de faire des émissions qui ont du sens, par exemple avec France 2. La TV est arrivée comme un cheveu sur la soupe. La Régalade n’était pas loin de l’immeuble de France Télévisions et des journalistes ont réussi à me convaincre pour une série d’émissions avec France 2. L’aventure de MasterChef sur TF1 a été très enrichissante. J’ai beaucoup appris sur moi, sur les autres. Cinq années magiques. Mais j’ai préféré arrêter avant de perdre l’enthousiasme nécessaire pour faire les choses bien.
Lecteur de PresseLib’ ?
Y. C. – Oui, tous les matins. Je trouve ce média génial, j’y apprends tous les jours des choses, notamment avec les créateurs que vous mettez à l’honneur. J’en parle à tout le monde. Continuez comme ça, on en a besoin.
Informations sur le Relais Saint Germain – cliquez ici
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Une initiative de l’Agence d’attractivité et de Développement Touristiques (AaDT), présidée par Jacques Pédehontaà, du Conseil départemental des Pyrénées-Atlantiques, présidé par Jean-Jacques Lasserre, et de la Chambre de commerce et d’industrie Pau Béarn, présidée par Didier Laporte.
La réussite méritée d’un artiste qui a toujours su mettre en lumière les beaux produits de notre terroir. Bravo !