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Les dits du vendredi

Le 26 Juil. 2018

Espadrilles… regard de Christian Laborde

C’est l’été, le rosé, les espadrilles. Merveilleux, ce mot « espadrille », si proche, notons-le, d’ « escadrille ». N’est-on pas aussi léger qu’un coucou, en espadrilles, aérien sur l’herbe tiède des chemins, en espadrilles ?


Chaussé d’espadrilles, l’on marche, les orteils ceints de bandelettes de ciel. Chaussé d’espadrilles, on a les jambes, non en coton, mais en nuage, et l’on déguste, en terrasse, dans le parfum des citronniers, un verre de rosé.

Certains disent des espadrilles qu’elles seraient des tongs. Or, tout oppose l’espadrille et la tong, à commencer par le silence. Les tongs, à chacun de nos pas, émettent un claquement ridicule, le contraire de celui, sec et cambré, des castagnettes dans la paume d’une Espagnole. Le claquement des tongs est également vulgaire, pareil à celui de la tapette à mouche s’abattant sur la zonzonante créature. Avec leurs semelles de corde – corde dont on fait les cordes à sauter -, les espadrilles, elles, sont silencieuses. Chaussés d’espadrilles l’on passe sans être entendu : on se contente d’être vu.


Enfin, contrairement aux tongs que traînent les touristes essoufflés et bedonnants, l’espadrille invite à la danse. L’espadrille dont la toile souligne comme un bracelet, la finesse des chevilles des femmes a été conçue pour la sardane, le rock, et le slow. Un slow en espadrilles sous la lune, l’été : les Italiens appellent cela la Dolce vita. L’été, la lune, les espadrilles sont toujours là. Seul le slow a disparu. Qu’il revienne !

L’espadrille n’est pas seulement une chaussure d’été : l’hiver lui sied aussi. François Mauriac, écrivain chaussé espadrilles, tout comme Salvador Dali, le rappelle Dans « Thérese Desqueyroux » : « Autant qu’il ait plu, le sable d’Argelouse ne retient aucune flaque. Au cœur de l’hiver, il suffit d’une heure de soleil pour fouler en espadrilles, les chemins feutrés d’aiguilles, élastiques et secs. »

 

Christian Laborde
www.christianlaborde.com

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