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Les dits du vendredi

Le 03 Mar. 2017

Paris et Eugénie… Les mots de Christian Laborde

Paris espère accueillir les Jeux Olympiques en 2024. Le slogan est trouvé. Le voici : « Made for sharing». Coté son, c’est bon, l’oreille se réjouit. « Made for sharing » sonne comme « I shot the sheriff » de Bob Marley.


Traduit en français, le slogan donne : « Venez partager ». Une horreur, un truc moitié cucul, moitié curé. Gardons l’anglais ! On aurait pu au départ choisir un slogan en français. C’est vrai, d’autant  que le français, langue de l’Olympisme, est aussi celle  de 274 millions de personnes dans le monde  Mais pour trouver, en français, un slogan qui swingue, bref une punchline il aurait fallu faire appel non à des publicistes, mais à des poètes.

*   *

Michel Guérard publie aux Editions du Seuil  Mots et Mets. Il s’agit d’un « abécédaire gourmand et littéraire ». J’aime les abécédaires. Ils invitent au saut de page, au retour en arrière, bref, au vagabondage. J’ai ouvert l’ouvrage de Guérard à la lettre a. Et sur qui tombe-t-on à la lettre a : sur le a d’Appétit ou celui d’Assaisonnement ? L’on tombe d’abord sur le a de la préposition à, en vedette dans les noms des recettes : « pizza à la reine », « boudin à la Richelieu », « pieds de cochon à la Sainte-Menehoulde ». Remarque, en passant, du citoyen  Guérard : « Cela fait plaisir, quelque part, de voir que l’on n’a pas pris la Bastille pour rien ». Le ton est donné.

L’abécédaire de Guérard, comme sa cuisine, tourne le dos à la lourdeur, opte pour la légèreté et la saveur, la grâce et la fantaisie. Je passe, sans logique aucune,  du A au W, et me retrouve dans le Wagon-bar. A son sujet Guérard écrit : « Restaurant itinérant, roulant à grande vitesse, dont l’offre culinaire est inversement proportionnelle aux brillantes performances de l’engin qui le tire ». On dirait du Pierre Dac. Pierre Dac, oui, car la littérature est bel et bien, avec la cuisine, la colonne vertébrale de cet ouvrage inclassable, illustré par Guillaume Trouillard. Les pages 78 et 79 sont consacrées aux « Frites molles de Dali », et, pages 106 et 107, Guérard fait entrer le poulet des Landes à l’Académie française. Le maître d’Eugénie se charge, dans la recette, de « l’habit vert » dont il vêt le glorieux poulet. Et voici le succulent gallinacé, quai Conti, sous la Coupole. Que son cocorico réveille les Immortels endormis.  Si Guérard est un adepte des « pieds de cochon », il ne néglige pas pour autant le pied de nez. Ainsi, page 86, le voit-on – ô sacrilège ! – modifier la recette du Ketchup, sauce planétaire et sacrée. Il y a désormais deux Ketchup : le ketchup de Miami et celui d’Eugénie. Goûtez-y !

Des mots, des mets, des notes, des recettes, des pensées, des saillies, des sagaies : le livre de Michel Guérard lui ressemble : aérien. Un régal.

Christian Laborde
www.christianlaborde.com

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