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Je dis ça je dis rien...

Le 06 Août. 2017

Tourisme à la franchouillarde

Ah l’été ! Vous avez peut-être cassé le petit cochon cette année pour vous envoler vers de lointaines et exotiques contrées, faites de sable blanc, de palmiers balançant doucement leurs feuilles au gré d’une brise légère, de ciels turquoise et sans nuages.


Oui, mais voilà, vous ce qui vous colle la méga pétoche, c’est la perspective d’être loin, justement. Loin de ces bons Français, piètres touristes et qui n’aiment rien tant que déguster leur sempiternelle garbure, même en été, en version béarnaise (soupe au pistou, aux orties, ttoro, bouillabaisse pour les autres).

Je ne dis pas, c’est bon une garbure, très bon même, mais il ne faudrait pas oublier le précepte utile au moment du voyage : “À Rome, fais/vis comme les Romains”. La seule exception que tolèrent nos franchouillards, c’est de temps en temps, de remplacer leur soupette par un “ventrêche-oeuf”, audace suprême. Et vous, justement, c’est ce Gaulois là que vous avez peur de regretter une fois arrivé dans votre lieu de villégiature lointain.

Rassurez-vous, partout dans le monde, le Français est facilement reconnaissable. Voici juste quelques spécimens que vous allez nécessairement croiser, ailleurs, loin, très loin, et grâce à ces compatriotes, vous vous sentirez moins esseulés en plein coeur de l’océan Indien, et pourrez enfin parler des vrais sujets d’intérêt qui cimentent la nation : le dernier épisode de Louis la Brocante, ou si Julie Lescaut va revenir à la télé ?!

D’abord, le saint Graal incontournable. Le guide du Routard. Le Français se le trimballe forcément, le laisse négligemment traîner sur la table du café, histoire d’attirer les proximités chauvines. Il n’espère pas ici obtenir un apéro gratuit, non c’est un acte nationaliste : poser le Routard sur la table, c’est comme planter le drapeau français en territoire inconnu (et donc hostile).

En creusant un peu le sujet, vous apprendrez que le véritable passionné dispose généralement d’éditions concernant des pays qu’il ne visitera pas avant le retour du Franc, et quand vous le lui faites remarquer, assène un “Ben quoi, j’ai pas trouvé mieux et plus économique pour voyager depuis mon canapé.” Ça se défend.

Le Français en vacances comprend mal que tout le monde ne parle pas français. Inadmissible. Vrai quoi, en France, par exemple, tout le monde parle français (enfin presque). Des gens civilisés, en somme. Tandis que ces craignos de Zoulous n’ont même pas pris français en LV1, une honte manifeste. Hey, les mecs, faudra pas s’étonner du taux de chômage de vos pays, faudrait voir de se donner les moyens de ses ambitions ! Allez, on vise de passer de “émergent” à “développé”, ok ?

Surtout au sacro-saint moment du jugement à l’emporte-pièce, un art qu’il manie avec dextérité, le Français retrouve tous ses vieux réflexes, parfois à ses risques et périls, en maniant allègrement la langue de Molière :
– Waouh, Momone, t’as vu comment elle est trop fat l’amerloque, là, elle doit faire comme ses frangines les baleines et stocker sa graisse, mdr !
– Pardon monsieur, je suis française et agrégée de lettres !
– Oupssssss…, ah mais non, je ne parlais pas de vous, oupsssssssssss…

Le Français en a vite marre des paysages exotiques et regrette amèrement son “home, sweet home”, et vous le reconnaîtrez à sa façon de lancer : “Les îles de Thaïlande, c’est bien joli, mais ça vaudra jamais le Rocher de la Vierge à Biarritz.” Voilà, mec, c’est bien, mais comme le disait un certain N.S. (qui a choisi ici, de témoigner anonymement) : “Le Pays basque, tu l’aimes ou tu le quittes”…

Pour travailler son intégration, le Français a une arme absolue : la photo de René Coty. Il s’en sert pour sympathiser avec les autochtones :
“C’est notre Raïs à nous, voui. C’est monsieur René Coty, un grand homme. Il a marqué et marquera encore l’Histoire. Il aime les Cochinchinois, les Malgaches, les Sénégalais, les Marocains… C’est ton ami, donc. A-M-I de toi.” En tapotant complaisamment l’épaule de son nouveau copain indigène (qui se demande où il a bien pu foutre cette satanée machette, jamais là quand on en a besoin !).

L’ennemi historique (on n’est pas rancuniers, mais on a de la mémoire) demeurant l’Allemand qui arbore fièrement chaussettes et tongs, le Français entre en résistance vestimentaire, et préfère les sandales. Il ne les préfère pas d’ailleurs, il les adore carrément. Il en a plein de paires identiques. Et ça, pour le repérer, c’est easy. Le seul crétin bipède de Zanzibar portant des sandales est forcément Français, on parie ? (gros, car je sais déjà que je vais gagner).

La France, l’autre pays de la mode. Où qu’il soit, quelles que soient les circonstances climatiques, le Français reste classe. Elégant. Hors de question de se recouvrir d’un sac poubelle en pleine mousson. Quitte à choper une pneumonie ou ruiner son T-Shirt The Kooples. L’un n’empêchant pas l’autre, d’ailleurs. Mais c’est une question de principes, et c’est tout… Non négociable. We are all childs of Dior, putaingue congue.

Dans le même genre de fierté non cessible qui vous aidera à reconnaître le Français de loin, de très loin même… Les coups de soleil ! Hors de question de s’enduire de crème solaire indice 50, c’est trop la latche, et puis selon ses propres dires “Je suis blanc, mais je bronze facilement”. Quitte à passer tout son séjour en pleine mue épidermique, version langoustine atteinte de lèpre (ce qui est assez rare, mais vous donne une idée de la couleur, et de la desquamation…)

Facile à identifier aussi le Français qui se trimballe, non pas avec un maillot de Messi ou Ronaldo, internationalement adoptés, mais de Lorient ou de Lens. Et qui est persuadé qu’il va tomber sur un autochtone capable de lui dire “bon championnat le FCL cette année, après la technique Sylvain Ripoll, on aime ou pas, mais ça porte ses fruits”…

Mais le truc qui permet de reconnaître un Français, même à des milliers de kilomètres, à coup sûr, c’est la bouffe. Son sujet préféré, juste avant la météo. Il se fera tuer plutôt que de reconnaître que ce colombo de porc est meilleur que la pipérade de sa mère, certes… Et quand il voit un hamburger, il explique : “Le meilleur hamburger, c’est le Landais, à base de magret de canard et une fine escalope de foie frais poêlé dessus, une tranche de fromage de brebis, un oignon de Trébons, ça a autrement de la tronche que ton Burger au Ketchup, my friend Gringo !” Et au bout de 48 heures hors de l’hexagone, se met à faire des rêves érotiques hardos à base de croissants et de foie gras.

Ces points sont absolument infaillibles, testés, pas forcément approuvés, mais incontournables. Ils vous permettront à coup sûr de reconnaître un compatriote, même à l’autre bout de la planète. Je le sais, ce sont les mêmes qui m’aident à les identifier pour mieux les fuir !

Enfin bon, moi je dis ça, je dis rien…

Gracianne Hastoy

4 commentaires au sujet de cet article

  1. Pour prolonger les pertinentes analyses de GH sur l’homo turisticus accompagné de son Guide du Routard, voici ce qu’écrivait sur le même sujet un autre excellent observateur :
    Cette variété « comprend des êtres réfléchis, méthodiques, ordinairement portant lunettes, doués d’une confiance passionnée en la lettre imprimée.
    On les reconnaît au manuel-guide, qu’ils ont toujours à la main. Ils vont dans le lieu qu’indique le livre, font scrupuleusement toutes les stations que conseille le livre, se disputent avec l’aubergiste lorsqu’il leur demande plus que ne marque le livre.
    On les voit aux sites remarquables, les yeux fixés sur le livre, se pénétrant la description et s’informant au juste du genre d’émotion qu’il convient d’éprouver. La veille d’une excursion, ils étudient le livre et apprennent d’avance l’ordre et la suite des sensations qu’ils doivent rencontrer : d’abord la surprise, un peu plus loin une impression douce, au bout d’une lieue l’horreur et le saisissement, à la fin l’attendrissement calme. Ils ne font et ne sentent rien que pièces en main et sur de bonnes autorités …
    Ont-ils un goût ? On n’en sait rien : le livre et l’opinion publique ont pensé et décidé pour eux.

    Ce monsieur, Gracianne Hastoy avant l’heure, s’appelait Hippolyte Taine et le texte date de 1855 ! Enfin bon, il dit ça, mais il dit rien…

  2. Votre raccourci sur le français à l’étranger est d’une banalité attristante. Il suffit d’observer les touristes de toutes origines visitant notre pays pour s’apercevoir que ce type de comportement est bien partagé. Quant à Hippolyte Taine il ne devait pas avoir lu énormément de guides touristiques. La critique est aisée mais l’art de voyager bien difficile surtout en gardant son ouverture d’esprit et son sens de l’humour. Bonne journée pleine de rencontres.

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