Eh oui, les sujets les plus dramatiques portent parfois à sourire. C’est ainsi, dans l’ordre des choses, un genre d’équilibre supérieur qui annihilerait tout, apaiserait et cicatriserait les douleurs, même les plus grandes. L’exemple majeur étant servi par l’épitaphe.
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D’abord, n’oubliant pas la vertu hautement didactique de ces écrits hebdomadaires, veillons à préciser que l’on dit « une » épitaphe, et que le mot vient du grec, « épi » = sur, « táphios » = tombeau.
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Il est des classiques du genre, rendus à la postérité bien plus sûrement que ceux qu’ils hébergent.
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Par exemple…
Celle que l’on peut lire sur le tombeau de Robespierre (6 mai 1758 – 28 juillet 1794) :
“Passant, ne pleure pas ma mort,
Si je vivais, tu serais mort…”
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Ou très moderne, mais toujours efficace, l’épitaphe que l’on avait prêtée à Groucho Marx mais ne figure cependant pas sur sa tombe : “Je vous l’avais bien dit que j’étais malade…”
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Certains auront été jusqu’à appliquer l’auto-dérision à leur dernière demeure. Ainsi, le baron de Selles (1566-1649) fit inscrire ceci : “Dieu fit Selles, Dieu défit Selles, Et aux vers mit Selles”.
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Dans le même genre, François de Chasse, au XIXè siècle, apposa cette épitaphe courte mais bonne sur son tombeau : “Ci-gît le corps de Chasse”… Et toujours dans la même veine, saluons le grand Alphonse Allais (1854-1905) qui offrit à la postérité : “Ci-gît Allais, Sans retour.” Sobre, efficace, et bougrement drôle.
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Il y a aussi, dans la catégorie calembour potache, l’épitaphe d’Edmond About (1828-1885) : “Ci-gît Edmond About, de souffle”. Celle de Richelieu reste un modèle du genre : “Ci-gît un fameux cardinal. Qui fit plus de mal que de bien. Le bien qu’il fit, il le fit mal. Le mal qu’il fit, il le fit bien”.
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L’humour étant une vertu qui se s’assagit pas au fil des siècles, on n’attendait pas autre chose de Francis Blanche (1921-1974) que cet ordre lapidaire : “Laissez-moi dormir ! J’étais fait pour ça !”. Il ne faut pas forcément être célèbre pour faire sourire ou rire le passant sur sa tombe. Ainsi certains anonymes ont-ils cédé quelques pépites à la postérité : “J’ai peur, mais quand faut y aller, faut y aller”, ou “A été sauvée des quenelles une fois… mais ça peut pas marcher à tous les coups !”
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Tandis que ce lucide anonyme du XVIIè siècle, affiche à tout jamais son défaut érigé en épitaphe suprême : “D’un qui ne fit jamais rien”. En parlant de faire ou pas, un certain Jean Brunaux (1935-2011) affirme, lui, que “Mourir est vraiment la dernière chose à faire”. André Fildier qui érigea la carte postale au rang d’art à part entière, surnommé “l’emmerdeur” et qui vécut de 1928 à 2001, fait référence à sa réputation : “Seuls les emmerdeurs améliorent le monde. Je ne regrette rien”.
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Jack Norbert Levavasseur (1927-1983) était un simple cadre d’assurances à Rouen. On ignore si sa vie fut rigolote, mais sa plaque tombale affiche un humour tout de circonstances : “Sa mort fut un manque total de savoir vivre”. Evidemment ! Un anonyme qui ne devait pas être un fervent défenseur de la médecine moderne fit inscrire sur son caveau : “Malgré les médecins, nous vivrons jusqu’au trépas”. Evidemment encore !
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Ou cet avare qui fut démasqué dans son dernier forfait : “Ci-gît dessous ce marbre blanc, le plus avare des hommes de Rennes, Qui mourut tout exprès le dernier jour de l’an, de peur d’avoir à donner des étrennes.”
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Si vous avez l’occasion un jour de visiter le cimetière ancien de Neuilly, pensez à vous arrêter sur la tombe de François Mauriac, l’écrivain qui fit inscrire à l’ultime page du livre de sa vie : “Mort, la seule de mes aventures que je ne commenterai pas”. Evidemment toujours !
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Mais il serait impossible de citer les épitaphes célèbres et drôles, sans citer celle que Sacha Guitry promit à Yvonne Printemps : “Sur votre tombe, on mettra “enfin froide””, ce à quoi la dame répondit du tac-au-tac : “Et sur la vôtre, on mettra “enfin raide”.
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Tandis que les veufs anonymes rivalisent d’ingéniosité définitive : “Elle ne voulait que mon bonheur. Sa mort l’a bien prouvé.” Ou : “Ci-gît ma femme, grâce à Dieu. Cette furie perpétuelle empoisonna ma vie. Passant, écoute mon avis. Avant qu’elle ne te querelle, quitte prudemment ces lieux.”
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Il en est ainsi des amours comme des inimitiés : elles sont éternelles. J’ignore si cela doit nous rassurer ou finir de nous décourager. Enfin bon, moi je dis ça, je dis rien…
Gracianne Hastoy
Merci pour ces fins mots de la fin !
😀
Eh oui, ce sera mon “dernier” mot, Christine ! 😉