La Chambre de métiers et de l’artisanat des Landes (CMA 40) dénombre aujourd’hui environ 12.000 entreprises artisanales immatriculées dans le département.
Le nombre d’inscrits à la chambre (démarche obligatoire pour les artisans) a même progressé de 6,5% entre 2019 et 2020. Ces 12.000 entreprises, pour la plupart des TPE, représentent 13.830 salariés, chiffre en augmentation de 13% depuis 2017.
Elles sont accompagnées par plus de 140 agents de la CMA, dont l’activité se concentre sur les 4 secteurs de l’artisanat : l’alimentaire, le bâtiment, la production et les services, lesquels représentent un total de 250 métiers.
La CMA landaise, dont le conseil d’administration compte 25 artisans élus, dispose pour cela, outre son siège de Mont-de-Marsan, d’antennes à Dax et Biscarrosse. Elle s’est également rapprochée des 18 communautés de communes et d’agglomération du département. Déjà bien structurée pour faire face aux exigences d’accompagnement liées à la crise sanitaire, la chambre a pu établir un contact avec l’ensemble des artisans du territoire et militer pour la cause de « la première entreprise de France ». On fait le point sur la situation des artisans landais avec Marc Vernier, président de la CMA des Landes depuis mi-2019.
Comment la CMA des Landes a-t-elle appréhendé la crise sanitaire et économique qui a débuté l’an dernier ?
Marc Vernier – D’abord, on peut dire que la CMA disposait de tous les outils nécessaires pour accompagner et défendre les artisans pendant cette période. Dès 2017, nous avons mis en place un pôle de compétences juridiques en lien avec des acteurs comme les tribunaux de commerce, les conseils de prud’hommes, la Direccte et les Urssaf, entre autres. Ce pôle nous permet de proposer le conseil le plus étendu possible aux artisans des Landes, avec un accès gratuit. Nous n’avons donc pas eu à activer de cellule de crise à proprement parler, juste à renforcer ce pôle pour faire face à un surcroît de demandes. Pendant le premier confinement, nous avons ainsi reçu entre 2.500 et 3.000 appels d’artisans souhaitant s’informer sur les modalités des aides ou se faire accompagner pour en bénéficier. En parallèle, nous avons nous-mêmes passé plus de 8.000 appels, si bien que nous avons au final été en contact avec la quasi-totalité des artisans des Landes.
Et par la suite ? On pense au second confinement…
M. V. – Sur chacun de nos territoires, nous avions des agents en charge de maintenir des relations régulières avec les artisans en difficulté. En conséquence, lors du second confinement, nous avons reçu beaucoup moins d’appels, mais davantage d’appels relatifs à des situations de grave détresse psychologique.
Nous avons défendu, toute l’année, la cause des artisans et obtenu certaines avancées. Associés à la Chambre d’agriculture, nous avons par exemple obtenu l’ouverture des marchés ruraux afin de maintenir une alternative aux grandes surfaces. On peut aussi citer la réouverture des commerces « non essentiels » avant les fêtes de Noël et les ouvertures dominicales en décembre. Nous avons aussi milité activement contre la distinction entre activités « essentielles » et « non-essentielles ».
Comment s’est finalement comportée l’activité des artisans des Landes sur l’ensemble de l’année 2020 ?
M. V. – Globalement, on peut dire que l’année a été moins désastreuse que ce que nous avions imaginé au départ. D’abord, le secteur du bâtiment va bien. Les carnets de commandes étaient remplis au début de l’année 2020. L’établissement d’un protocole sanitaire garantissant la santé des employés et des clients, et sa validation, ont retardé la poursuite de l’activité, sans l’empêcher. La profession manque, ceci dit, de visibilité sur le second semestre 2021, pour lequel la demande n’est pas encore au niveau attendu. Le secteur de l’alimentaire a lui aussi plutôt bien résisté : les consommateurs ont pris de nouvelles habitudes qui ont perduré après le premier confinement et qu’il s’agit maintenant de pérenniser. Finalement, ce sont les services (coiffeurs, esthéticiennes, mécaniciens, taxis, fleuristes, etc.), pour beaucoup touchés par les fermetures administratives, qui ont le plus pâti de la situation. Même si les pouvoirs publics contestent cette estimation, nous pensons que nous risquons, à terme, de voir disparaître environ 30% des acteurs de ces métiers de services…
Malgré les dispositifs d’aide ?
M. V. – Nous sommes à la fois fiers et conscients de vivre dans un pays qui a su mettre en place de tels dispositifs d’aide, surtout quand on regarde ce qui se passe à l’étranger. J’en profite d’ailleurs pour saluer la qualité du dialogue avec les services de l’État dans le département, en particulier à travers les réunions régulières organisées par la préfecture, lesquelles nous ont permis de remonter certaines demandes et revendications de nos ressortissants. Néanmoins, chacun sait que les entreprises de l’artisanat disposent de peu de fonds propres, ce qui fait que certains dispositifs n’étaient pas adaptés à leur structure. Je pense d’abord aux PGE. Dans les Landes, seuls 18% des artisans ont souscrit un prêt garanti par l’État. Dans certains cas, le report d’un an du remboursement ne changera pas grand-chose et il faudra emprunter pour amortir l’emprunt sur une plus longue durée. Et encore une fois, les aides, si elles ont l’immense mérite d’exister, ne prennent pas en compte la dimension psychologique…
Là-dessus, certaines études suggèrent que les dégâts psychologiques de la crise sanitaire pourraient apparaître encore plus clairement cette année, puis en sortie de crise. Qu’en est-il de l’état d’esprit des artisans sur le territoire ?
M. V. – Nous sommes très préoccupés, depuis le second confinement, par la gravité de certaines situations sur le plan psychologique. Il n’échappera à personne que la plupart des artisans font ce choix de carrière par passion. De fait, ils vivent très mal de ne pas pouvoir travailler. Cela leur apparaît souvent insupportable. Et l’absence de visibilité sur les mois à venir n’arrange évidemment rien. Ceci dit, la CMA n’a pas attendu cette crise sanitaire pour être sensible à cette question, puisque nous travaillions déjà avec le réseau Apesa (association d’Aide Psychologique aux Entrepreneurs en Souffrance Aigüe) pour tenter de déceler au plus tôt les situations de grave détresse psychologique parmi les artisans landais. C’est un sujet auquel nous attachons une grande importance.
Qu’en est-il des actions de la CMA en faveur de l’apprentissage ?
M. V. – C’est bien connu, le bâtiment, les services, et l’artisanat en général rencontrent traditionnellement d’importants problèmes de recrutement. Nous faisons campagne depuis plus de 20 ans pour une meilleure reconnaissance de la valeur de l’éducation par l’apprentissage et de la voie d’excellence que représente aujourd’hui l’artisanat. En 2020, nous avons encore augmenté le nombre d’apprenants, en partie sous l’effet des aides supplémentaires accordées par l’État (on rappelle que la CMA gère un centre de formation aux métiers de l’artisanat à Mont-de-Marsan, NDLR). Mais là encore, la crise sanitaire a eu des conséquences sur la tenue d’événements comme la Semaine Nationale de l’Apprentissage dans l’Artisanat (SNA organisée par le réseau national des CMA, cette année du 29 janvier au 5 février), où les visites du centre de formation que nous organisions pour les collégiens landais ont dû être annulées. Nous nous sommes néanmoins adaptés au contexte en tentant de développer des campagnes dématérialisées. Le réseau national des CMA vient, par exemple, de lancer une série de podcasts « Faire savoir » (série d’épisodes de 15 minutes où la parole est donnée aux artisans et aux experts des CMA) pour présenter nos métiers.
La progression récente du nombre d’artisans sur le territoire fait tout de même la preuve de l’attractivité de tous ces métiers, même en période de crise…
M. V. – Nous pouvons en effet mettre en avant des taux d’insertion élevés, ainsi que des rémunérations attractives. Nos métiers sont clairement mieux valorisés qu’il y a 20 ans. L’artisanat est plus que jamais une voie d’avenir. Sur le sujet, nous avons en outre constaté que la crise sanitaire avait occasionné un grand nombre de démarches de reconversion, notamment… de personnels hospitaliers… La reconversion est un chemin d’accès fréquent à nos métiers.
Quelques mots sur les implications du changement de statut des chambres consulaires ?
M. V. – Il y avait bien sûr les pour et les contre, mais il n’y a plus eu de débat dès lors que la loi PACTE a imposé la régionalisation. Le regroupement des fonctions support départementales à l’échelle régionale (services administratifs et financiers, achats, RH, etc.) nous permet de nous concentrer pleinement sur l’accompagnement et le service apportés aux artisans. Pour les améliorer, nous nous sommes rapprochés des 18 EPCI (établissements publics de coopération intercommunale) du département et avons passé avec eux des conventions dans le but de proposer des accompagnements spécifiques et de proximité sur les différents territoires, qui n’ont pas tous les mêmes problématiques : certains ont besoin de revitaliser des centres-bourgs, d’autres de développer une zone d’activité ou simplement d’avoir une meilleure compréhension de leur tissu artisanal. Nous avons nommé un élu et agent référent sur chacun de ces territoires. C’est aussi grâce à cette organisation que nous pouvons mettre en place localement des « journées-événement », ou encore délocaliser certaines formations à travers tout le département, et ainsi être au plus près des artisans sur leur propre territoire.
On vous laisse le mot de la fin…
M. V. – Pour finir, nous tenons à redire notre reconnaissance à l’État pour les aides économiques accordées, ainsi qu’à ses services, préfecture et Direccte, pour leur écoute. Dans cette gestion de crise, nous regretterons surtout la distinction arbitraire entre activités « essentielles » et « non-essentielles ». Ce qui est essentiel pour les uns ne l’est pas forcément pour les autres. Aller chez son coiffeur ou son libraire peut être essentiel à certains, ne serait-ce qu’au nom du lien social que cela crée ou pour l’estime de soi. Et puis on ne peut pas expliquer à certains artisans qu’ils sont moins essentiels que d’autres… En résumé, cette distinction a été assez difficile à digérer. Pour le reste, nous sommes maintenant impliqués dans le pilotage du plan de relance à l’échelle du département. L’enjeu est d’accompagner nos artisans pour les aider à bénéficier de la part du plan qui leur est destinée et à rebondir.
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