Le collectif « L’Affaire du Siècle », monté par 4 ONG, vient d’obtenir un jugement du tribunal administratif de Paris reconnaissant les « carences fautives » de l’État dans la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre. Sa pétition a recueilli plus de deux millions de signatures.
Ce lundi 1er février, Météo-France a publié de nouvelles projections climatiques pour l’Hexagone. Selon les scénarios, qui dépendent de la mise en œuvre ou non d’une « politique climatique visant à stabiliser les concentrations en CO2 », la température moyenne sur notre sol pourrait grimper de 2,2 à 3,9°C d’ici 2100 (par rapport à la période de référence 1976-2005), et même de 6°C pendant l’été. À cette échéance, le pire des scénarios envisage des vagues de chaleur estivales qui « pourront durer de un à deux mois en continu », soit 5 à 10 fois plus de jours de canicule par an qu’actuellement, avec des maximales qui pourraient régulièrement tutoyer les 50°C…
Dans cette configuration, le pays connaîtrait des périodes de sécheresse plus longues, tandis que « la moyenne montagne ne verrait presque plus de neige et les gelées disparaîtraient pratiquement de la plupart des régions », explique Météo-France. Toutes les régions seraient touchées, mais c’est « en montagne, dans les Alpes et les Pyrénées, que le réchauffement fera le plus sentir ses effets ».
Une condamnation inédite…
En d’autres termes, les températures record enregistrées en 2019 dans le Gard et l’Hérault pourraient devenir la norme, et en particulier sous nos latitudes. Même dans l’optique d’un scénario plus optimiste, il faudra s’attendre à « deux fois moins de jours de gelée », à moins de neige en moyenne montagne, à 3 ou 4 fois plus de jours de canicule et un allongement moyen des périodes de sécheresse de l’ordre de 5 jours.
En attendant, Météo-France avance que dès 2050, les températures pourraient avoir augmenté de 2,2°C, avec 5 à 15 jours de canicule supplémentaires par an, 20 à 50% de neige en moins en moyenne montagne et une baisse de 10% des cumuls de pluie en été. Et bien avant cela, de nombreux secteurs d’activité sont déjà touchés par l’évolution du climat ou pourraient l’être à très court terme. On pense aux stations de ski, au secteur agricole, à la viticulture, à la gestion de l’eau et aux centrales hydroélectriques, à l’exploitation forestière ou encore à l’urbanisme et à la santé.
Naturellement, même avec « des outils de modélisation parmi les plus performants au monde », les réalités climatiques de demain restent difficiles à prévoir avec exactitude et dépendront pour beaucoup de l’évolution des technologies et des mentalités, du comportement du tissu économique et… des politiques publiques.
Là-dessus, a été rendu ce mercredi 3 février un jugement du tribunal administratif de Paris qui devrait faire date, puisque celui-ci a considéré que « la carence partielle de l’Etat français à respecter les objectifs qu’il s’est fixés en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre engage sa responsabilité ». La procédure avait été engagée en mars 2019 par les 4 ONG (Notre affaire à tous, Greenpeace, Oxfam, Fondation Nicolas Hulot) à l’origine du collectif « L’Affaire du Siècle », dont la pétition a été signée par plus de 2,3 millions de citoyens.
Quelle politique climatique ?
Le collectif parle d’une « victoire historique ». « Avec ce jugement extraordinaire, dès aujourd’hui, des victimes directes des changements climatiques en France vont pouvoir demander réparation à la France. L’État va donc faire face à une pression inédite pour enfin agir contre les dérèglements climatiques », souligne-t-il, tout en précisant que son combat n’est pas terminé : « Le tribunal doit maintenant décider s’il ordonne à l’Etat de prendre des mesures supplémentaires pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre et respecter ses engagements pour le climat. Une nouvelle audience aura lieu au printemps. D’ici là, nous allons déposer de nouveaux arguments pour démontrer que les actions prévues sont insuffisantes et que la justice doit contraindre l’Etat à lutter efficacement et concrètement contre le dérèglement climatique ». Et bien entendu, l’État pourra aussi faire appel…
Les 4 ONG ont chacune obtenu un euro symbolique au titre de leur préjudice moral. On notera cependant que « s’agissant de la réparation du préjudice écologique, le tribunal a souligné qu’une telle réparation s’effectue prioritairement en nature, les dommages et intérêts n’étant prononcés qu’en cas d’impossibilité ou d’insuffisance des mesures de réparation. Il a rejeté pour ce motif les conclusions des associations requérantes tendant à la réparation pécuniaire de ce préjudice ».
À l’arrivée, le jugement s’inscrit dans la lignée des conclusions du dernier rapport du Haut Conseil pour le climat, qui soulignait qu’en 2019, les émissions françaises de gaz à effet de serre n’avaient diminué que de 0,9% par rapport à 2018. « De 2015 à 2018 les émissions ont baissé de 1,1% chaque année, alors que l’objectif était de -1,9% », précisait ce rapport, qui pointait aussi du doigt la faiblesse des dispositifs d’évaluation des lois et l’absence de méthodes et d’outils « pour compenser le gel de la taxe carbone ».
Bref, le haut conseil pour le climat recommandait d’accélérer sur le sujet, alors que l’objectif annuel de baisse des émissions sera porté à 3,2% dès 2024. On le voit : le scénario d’évolution climatique se joue en ce moment même…
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