Après une réunion avec les professionnels de la montagne, le secrétaire d’État en charge du tourisme, Jean-Baptiste Lemoyne, a jugé « hautement improbable » une réouverture courant février. Les vacances qui arrivent représenteraient pourtant un bon tiers de l’activité annuelle des stations de ski.
En cette saison hivernale, il semble que la neige soit au rendez-vous sur les pistes de ski. Pour les professionnels de la montagne, cela rend évidemment le crève-cœur de la fermeture des remontées mécaniques encore plus difficile à digérer. Et ce ne sont certainement pas les annonces de ce mercredi 20 qui vont les rassurer.
Après une réunion avec les acteurs du secteur, le secrétaire d’État Jean-Baptiste Lemoyne a précisé que la « saison blanche » était aujourd’hui le scénario privilégié par le gouvernement, compte tenu de chiffres de contamination insatisfaisants et de l’émergence de variants du covid.
Ne demeurerait plus qu’un infime espoir de réouverture à partir de la mi-février, mais on n’y croit plus trop du côté des stations, où l’on indique d’ailleurs que sans la première quinzaine de février, période capitale, la saison sera quand même fichue.
Les professionnels de la montagne ont exprimé leur désarroi en rappelant qu’un euro dépensé dans les remontées mécaniques générait jusqu’à 7 fois plus sur l’ensemble de la station, dans les commerces et les restaurants. Selon l’Association nationale des maires des stations de montagne, seuls 35% des lits étaient occupés à Noël (contre 95% d’habitude), tandis que les vacances de février représentent 40% du chiffre d’affaires de la saison.
Un écosystème menacé…
Auprès des élus, la pilule passe mal. Jeanine Dubié, député des Hautes-Pyrénées, a ainsi jugé injuste cette fermeture des remontées mécaniques alors qu’on a « des grandes surfaces, des trains et des métros qui fonctionnent »… et des professionnels de la montagne qui avaient élaboré un protocole sanitaire de 70 pages… De son côté, le gouvernement invoque l’afflux de touristes qu’aurait pu occasionner une réouverture pour les vacances de février. Là-dessus, le risque se situerait moins sur les pistes qu’en station, dans les boutiques ou devant les points de restauration.
Au-delà des stations elles-mêmes, c’est évidemment tout un écosystème économique et social qui est menacé, incluant les équipementiers, les loueurs de matériel, l’hôtellerie-restauration et les maillons de sa chaîne d’approvisionnement ou bien encore les écoles de ski.
Celle de Luchon-Superbagnères, par exemple, n’enregistre cette saison que 10% de l’activité attendue… Plus globalement, le syndicat mixte Haute-Garonne Montagne, qui exploite les stations de Luchon-Superbagnères, du Mourtis et de Bourg d’Oueil, évalue ses pertes à 5 millions sur la saison.
Et bien entendu, derrière les stations de ski et les entreprises qui en dépendent, il y a les hommes et les femmes. Rien qu’en Haute-Garonne, la filière montagne représente un millier d’emplois directs et indirects. On pense surtout aux saisonniers, qui sont autour de 10.000 à travailler chaque année dans les Hautes-Pyrénées. Bien sûr, ceux des domaines peuvent compter sur le dispositif d’activité partielle, mais il n’en demeure pas moins que cette saison, les loueurs, les hôtels et les restaurants n’auront pu faire travailler autant de monde qu’à l’accoutumée. Ce qui fait que de nombreux saisonniers se retrouvent aujourd’hui dans des situations précaires.
Sur l’ensemble de l’Hexagone, la filière montagne ferait travailler 250.000 personnes, et 400.000 emplois en dépendraient indirectement. Les TPE/PME du secteur auraient en moyenne accusé une baisse de chiffre d’affaires de 20 à 30% sur l’exercice 2020.
Évoluer vers un nouveau modèle…
En parallèle des déclarations de Jean-Baptiste Lemoyne, celles d’Olivier Dussopt ont aussi de quoi inquiéter. Le ministre des comptes publics a en effet estimé ce mercredi que le « quoi qu’il en coûte » devait s’arrêter en 2021… Pour autant, le secrétaire d’État en charge du tourisme a quand même indiqué que l’État serait au rendez-vous pour soutenir les professionnels de la montagne. Une réunion avec Jean Castex serait prévue pour définir des mesures de soutien.
On le sait : les stations de ski sont engagées depuis plusieurs années dans des stratégies de diversification de leur activité, afin de contrer les effets du dérèglement climatique et de réduire leur dépendance à la période hivernale avec une approche “4 saisons”.
En effet, l’Observatoire pyrénéen du changement climatique redoute une accélération du changement climatique sur la chaîne, avec une hausse des températures comprise entre +2°C et +4°C d’ici 2050, et entre +4,3°C et +7,1°C à l’horizon.
Avec la crise sanitaire, cette inévitable transition est à la fois rendue plus compliquée et plus nécessaire.
Plus compliquée puisque des investissements sont déjà en jeu et qu’il faudra bien commencer à les amortir, et plus nécessaire puisque même sans remontées et sans ski, il faut plus que jamais trouver un moyen rentable de sauver ce qui peut l’être en attirant tout de même les touristes.
En résumé, après les plages bondées en 2020, il sera peut-être de bon ton d’aller passer nos vacances d’été 2021 à la montagne…
https://www.franceinter.fr/economie/stations-de-ski-il-faut-mettre-a-profit-cette-crise-pour-repenser-notre-modele