Paru fin septembre, le baromètre annuel de l’Ipsos et du Secours Populaire Français confirme l’étendue des dégâts.
Le 2 octobre dernier, Jean Castex recevait 10 représentants d’associations d’aide aux plus démunis, telles ATD Quart Monde, Emmaüs, la Fondation Abbé Pierre, Médecins du monde, le Samu social ou le Secours populaire. Celles-ci ont entre autres réclamé une hausse des minima sociaux et l’ouverture du RSA aux jeunes. Regroupées au sein du Collectif Alerte et représentées par la FAS (Fédération des acteurs de la solidarité), elles avancent le chiffre d’un million de pauvres supplémentaires, conséquence directe de la crise sanitaire.
Le DG de la FAS évoque même dans la presse une « estimation basse, compte tenu des 800.000 pertes d’emploi attendues fin 2020 ». Une estimation basse qui ferait tout de même franchir à la France la barre symbolique des 10 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté.
Intérimaires, indépendants et précaires privés de contrats ou d’activité, travailleurs au noir ou qui joignaient tout juste les deux bouts seraient nombreux à avoir basculé dans la pauvreté ces derniers mois. Les associations notent une explosion de la demande d’aide alimentaire, et regrettent que leurs bénéficiaires soient les « parents pauvres » des mesures de l’État : selon le comité d’évaluation de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, ils ne pèseraient que pour 0,8% dans l’enveloppe des différents plans de relance du gouvernement.
La crainte du lendemain…
Dans le détail, le dernier baromètre annuel Ipsos/SPF, paru fin septembre, donne une vision encore plus étendue des dégâts sociaux occasionnés par la crise sanitaire. Premier chiffre éclairant : un Français sur 3 aurait subi une perte de revenus depuis l’annonce du confinement, et ce « même si les dispositifs d’activité partielle et d’arrêts de travail pour garde d’enfants ont servi d’amortisseurs », explique le Secours populaire. Au total, 38% des sondés déclarent avoir déjà connu la pauvreté, chiffre en hausse d’un point par rapport à l’an dernier.
Autre donnée intéressante : les Français « considèrent qu’une personne seule est pauvre si son revenu est inférieur à 1.228 euros net. Ce seuil subjectif de pauvreté, exprimé par les personnes interrogées chaque année, vient non seulement de dépasser le Smic mais creuse désormais un écart de 165 euros au-dessus du seuil officiel de pauvreté (défini par l’Insee à 60 % du revenu médian) ». Au-delà, plus d’un Français sur 4 n’est pas parti en vacances cet été faute de moyens, tandis que les privations alimentaires auraient augmenté.
Pour 23% des Français, « les prix des aliments sains sont tels qu’ils ne peuvent pas en consommer à chaque repas » : c’est deux points de plus qu’en 2018. Un Français sur 4 déclare restreindre les quantités dans son assiette, et un sur 7 saute des repas. Tout cela se ressent dans le niveau de demande d’aide alimentaire enregistré par les associations : « De début-mars à la mi-avril, le Secours populaire a assuré en urgence l’alimentation de 1,3 million de personnes, venues parfois après plusieurs jours de jeûne ».
L’association cite le cas de Gérard, qui cette année a franchi avec sa femme pour la première fois la porte du Secours populaire, un exemple parmi de nombreux autres, puisque 45% de personnes supplémentaires auraient été accueillies par les différentes antennes de l’organisation.
Et puis au surplus de ces « nouveaux pauvres », le baromètre pointe du doigt la crainte qui se répand parmi les Français de rejoindre cette cohorte de personnes en difficulté : « 57% des Français ont craint de basculer dans la précarité, à un moment de leur vie. Ce niveau est supérieur de 3 points à celui enregistré en 2019. Il est en constante augmentation depuis 2007 (+12 points). Les craintes sont encore plus fortes sur l’avenir des générations les plus jeunes : 81% des personnes interrogées considèrent que le risque de pauvreté est plus élevé encore pour leurs enfants que pour eux-mêmes ».
Des mesures très attendues…
Seule consolation : ce climat inciterait à plus de solidarité. En effet, deux tiers des sondés se disent prêts « à s’impliquer auprès des personnes confrontées à la pauvreté ». Environ 5.000 bénévoles auraient d’ailleurs rejoint le Secours populaire dès le début du confinement.
Les associations sont toutes mobilisées et organisent des opérations un peu partout en France. Le 29 août dernier, les bénévoles du Secours populaire se sont installés à la sortie de nombreux magasins Carrefour pour collecter des fournitures scolaires. En Pays basque, c’était par exemple le cas à Bayonne, Anglet, Saint-Jean-de-Luz, Hendaye et Saint-Pierre-d’Irube.
Localement, se vérifie le constat national décrit dans le baromètre Ipsos/SPF. En Béarn, pendant le confinement, la distribution alimentaire est passée d’un peu moins de 50% à plus de 90% de l’activité du Secours populaire. Fin mai, sur l’antenne de Pau, les stocks avaient fondu alors qu’il fallait servir 350 personnes, un chiffre inhabituellement élevé.
Dans les Landes, les demandes d’aide auraient principalement grimpé sur Capbreton, Soustons, Hagetmau et Aire-sur-l’Adour, et un peu plus modérément sur Dax. Mi-mai, l’association déclarait accompagner un total de 2.400 personnes dans les Landes, soit 10% de plus. On parle du Secours populaire, mais les autres associations sont également sur le front. Vendredi et samedi, les Restos du Cœur étaient par exemple présents aux entrées du magasin Leclerc de Capbreton pour leur collecte annuelle d’hiver.
Le 2 octobre, Jean Castex avait indiqué que des mesures de lutte contre cette pauvreté grandissante seraient dévoilées sous deux semaines. Des annonces significatives étaient donc attendues pour ce samedi 17 octobre, « journée mondiale du refus de la misère ».
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